Bombe H


Le secret des irradiés du Sahara
En 1960 et 1961, l'armée française a profité des essais nucléaires dans le Sahara pour organiser des manoeuvres en milieu radioactif. Les appelés cobayes n'ont jamais entendu parler d'indemnisation.
Christophe Labbé et Olivia Recasens
«Nous étions une vingtaine dans la tranchée, assis en tailleur, dos à la bombe. Pendant le compte à rebours, certains se sont mis à pleurer. » Ce 25 avril 1961, Francis Paquez a 21 ans. Il participe en tant qu'appelé du contingent au dernier essai nucléaire français à Reggane, dans le Sahara algérien.
La bombe atomique, installée au sommet d'un pylône de 50 mètres, explose à 7 heures du matin, libérant une puissance de près d'une kilotonne. A trois kilomètres de là, Francis Paquez est transpercé par le flash lumineux. « Je me suis senti devenir transparent comme un verre d'eau. Au-dessus de nous, il y avait deux chèvres, attachées chacune à un piquet, qui se sont mises à hurler. » Deux minutes plus tard, les hommes du 42e régiment d'infanterie, équipés d'une combinaison blanche et d'un masque à gaz, reçoivent l'ordre de s'avancer vers le « point zéro », l'endroit précis où vient d'exploser la bombe.
Lorsqu'ils s'extraient de la tranchée, le champignon atomique commence à peine à s'élever dans le ciel. « Les chèvres étaient brûlées, elles n'avaient plus de poils et leurs yeux étaient opaques. Je n'ai pas eu le temps de me poser des questions, il fallait avancer », raconte Francis Paquez. La progression en formation de combat dure près d'une heure. « A un kilomètre du point zéro, les compteurs Geiger ont crépité si fort que le capitaine nous a ordonné de faire demi-tour. » Pendant quarante ans, Francis Paquez, qui souffre aujourd'hui d'une maladie de peau et d'une hypersensibilité à la lumière, a respecté la consigne de l'armée. Il a gardé le silence sur cette manoeuvre secrète, baptisée « Hippocampe vert ».

































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